Résumé
Ray LeClair, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, revit ses marches militaires à travers le brouillard de l’alcoolisme dans la rue principale historique de Winnipeg. Le film s’inspire des deux champs de bataille de Ray : la guerre et la rue.
L'avis de Tënk
« 24 juin 1972. Un avion transportant huit élèves, âgés de quatorze à dix-huit ans, de retour chez eux à la Bunibonibee Cree Nation pour les vacances d’été après une année passée dans les pensionnats de Portage la Prairie et de Stonewall, s’écrasa dans un terrain vague de la rue Linwood, à Winnipeg. Il n’y eut aucun survivant. »
Ray avait dix-sept ans lorsqu’on l’envoya combattre dans une guerre menée par les mêmes nations qui avaient dévasté les terres dont on l’avait arraché enfant. Orphelin, placé à l’école professionnelle St. Joseph, il fut confié aux sœurs de l’Église, qui échouèrent à offrir un lieu de soin aux enfants. À la place, ces enfants vécurent comme des soldats dans une guerre quotidienne — une guerre acceptée, même normalisée, par la colonie de peuplement qui s’étendait sur toute l’Amérique du Nord.
L’enlèvement des enfants, le saccage sauvage de leurs esprits — voilà les champs de bataille auxquels se confrontait Ray chaque jour. Il tentait de nous parler de résistance. Sa vie fut vue, entendue par beaucoup, et marqua à jamais sa famille et notre communauté de Winnipeg. Il était un survivant de nombreux fronts. Il vécut l’assimilation systémique et continue des peuples autochtones du Canada, et partagea le sort oublié des anciens combattants autochtones qui avaient lutté pour la liberté — pour ne retrouver, à leur retour, qu’un monde urbain nouveau, bâti sur des plaines autrefois foulées par des millions de bisons.
Parmi leurs tombes, au cœur de Winnipeg, Ray leva une Bible, défiant sa loi de ses mots bruts, à travers le brouillard de l’alcool. Ces guerres, ces religions, ces hommes tout-puissants — tout cela ne fit que prouver combien furent écrasés sous les mains du fascisme. S’il n’avait pas été désigné comme un païen — un étranger à la terre — par ces mêmes nations pour lesquelles il avait combattu, sa vie aurait peut-être brillé comme une étoile. Au lieu de cela, il vécut dans ce film comme un énième stéréotype de « l’Indien ivre », utilisé par des cinéastes blancs pour nourrir leur propre gloire, tandis que les histoires profondes, complexes, de la mémoire et du lieu, se voyaient disséquées en simples éclats de lumière et de celluloïd.
Victoria Redsun
Artiste multimédia et militante denesuline (Déné-sou-li-né) et nehitho (Né-hit-tho) originaire du nord du Manitoba.
Créatrice de Main Street Warrior, un projet soutenu par le WFG et Archive/Counter-Archive.