Résumé
La région du Donbass, gigantesque bassin de charbon à l’est de l’Ukraine, est le théâtre de conflits et de déchirements depuis plus d’un siècle. Considéré comme objet de propagande soviétique, Enthousiasme : la symphonie du Donbass (1931) réalisé par Dziga Vertov, y dépeint une vie palpitante, guidée par la forte croissance économique de la région, où se marie enthousiasme et travail, alors qu’en réalité, le quotidien des mineurs, représentés comme de véritables héros, fut parsemé de mensonges et manipulation… C’est l’histoire d’une déchéance et d’un siècle de propagande forcenée, où une symphonie se transforme en cacophonie.
L'avis de Tënk
La cacophonie du Donbass de Minaev est un abécédaire essentiel, pas uniquement sur la région elle-même, mais aussi sur ses diverses représentations au fil des décennies. L'un des fils conducteurs du film porte sur les années de propagande soviétique insolente qui ont conduit à un point de rupture, forçant des dizaines de milliers de mineurs à manifester dans les rues avec leurs requêtes au Comité central. Les conditions de travail dans les mines sont historiquement parmi les pires au monde. La décentralisation de l'auto-organisation était considérée par beaucoup comme essentielle et a contribué à la demande d'indépendance de l'Ukraine. Malheureusement, Minaev n'aborde pas les normes qui ont été grossièrement négligées, ni l'effondrement de l'industrie dans les années 90 dans une Ukraine indépendante, ni non plus le règlement criminel de Leonid Kuchma.
Alors que le film passe d'une séquence d'archives de propagande absurde à une autre, on ne peut s'empêcher de penser que le socialisme soviétique fonctionnait sur une échelle de schizophrénie, que FOX News ne peut rassembler que dans ses fantasmes les plus vils. Le cortège du grotesque culmine avec des interviews de style tête parlante avec des personnes victimes du mouvement séparatiste parrainé par la Russie. Les mensonges, les trahisons et les brutalités sans fin s'inscrivent parfaitement dans le contexte des violences du siècle dernier : la révolution de 1917, la guerre civile, la dékoulakisation, l'Holodomor, la Seconde Guerre mondiale. L'effondrement du ou des mythe(s) conduit à de nouveaux mythes, et à une violence renouvelée.
Vitalyi Bulychev
Artiste, cinéaste, photographe
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