Résumé
Lida a 81 ans et vit dans une colonie suédoise en voie de disparition dans l’est de l’Ukraine. Alors qu’elle et sa petite sœur Maria se trouvaient dans un camp de travail soviétique en Sibérie dans les années 50, Lida a donné naissance à son fils Arvid, qui vit aujourd’hui à Saint-Pétersbourg et qu’elle n’a plus revu depuis 1976. Maria, elle, est restée en Sibérie depuis leur libération du camp. Les deux sœurs ne se sont pas revues depuis. Lida et Maria sont deux des six dernier·e·s locuteur·trice·s du vieux suédois, une langue en voie d’extinction datant des années 1 800.
L'avis de Tënk
Lida divague. Elle narre son récit d’une voix éraillée, passe du lointain au proche, évoque au passage des fils perdus, une famille dispersée, des commérages sur ses camarades de pension.
Dans ce film baigné d’une aura de mystère, la cinéaste Anna Eborn construit des tableaux sublimes, où la lumière froide fait jaillir des éclats de couleurs délavées, contribuant à accentuer l’étrangeté intemporelle et poétique de cet univers improbable.
Une vieille femme suédoise, aux yeux rieurs, cache ses secrets sous les récits fragmentés de ses souvenirs. La Suède des années 30, les privations, la guerre, le camp de travail en Sibérie, puis cet hospice ukrainien, où elle finit ses jours éloignée de ses proches.
Mais pourquoi Lida vit-elle ainsi, sans donner de nouvelles à sa sœur et à son fils? Une forme de rébellion étrange semble couver sous les rides sinueuses de son visage malicieux. Le film, sans lever de voile impudique sur les mystères, en souligne les forces insondables et les répercussions tragiques en rétablissant une forme de communication magique entre cette famille dispersée.
La disparition lente des pensionnaires, la mort qui rôde partout, les langues qui disparaissent, et avec elles, les mondes qui s’effondrent, tout ce mouvement de lente dissolution n’empêche pourtant pas le mouvement de la vie de trouver son sillon, même dans cet hospice oublié par le temps.
Naomie Décarie-Daigneault
Directrice artistique de Tënk