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70 min
France, 2021

Production : Baton Rouge, La Bête
Français, Thaï, Khmer
Anglais

Politique



Résumé


Cambodge, 1981. Après la chute du régime des Khmers rouges, une femme fuit un pays à feu et à sang. Elle tient un bébé dans ses bras. Quarante ans plus tard, confrontée au silence de sa mère forgé par le traumatisme et le temps, la réalisatrice décide d’entreprendre un long voyage. De la jungle cambodgienne jusqu’aux centres de requérant.e.s d’asile en France en passant par les anciens camps de réfugié.e.s de Thaïlande et d’Indonésie, elle tente de reconstituer l’histoire de leur survie et d’ouvrir les chemins de la mémoire et de la transmission.

L'avis de Tënk


Eskape peut se résumer à ces deux lignes: «On ne peut pas transmettre la mémoire», prononcé par son sujet principal, la mère de la cinéaste, dans la scène d'ouverture; et par la phrase de la cinéaste elle-même, plus tard, qui ajoute: «Pourtant si, je l’ai vécu avec toi.»

 

La fuite d’une mère devient la quête de sa fille - ses pas contrent la puissante force de l'oubli, quarante ans plus tard. Un silence brisé avec conscience, avec une grande sensibilité et plein d’amour. La réalisatrice part à la recherche de l’énormité de sa propre histoire, contrainte de comprendre comment elle s’est rendue non seulement du Cambodge à la France, mais comment elle est atterrie dans ce monde. «Cherche pas à comprendre», insiste sa mère, focusée sur la survie; mais la fille comprend bien – en regardant sa propre jeune fille – que la survie inclut non seulement celle du corps mais aussi celle de l’esprit. Être débrouillarde et avoir de la chance forment un point de rencontre où la mère trouve son narratif; la fille, avec son film, retrace la route de ceux et celles qui n’ont pas laissé de traces, les centaines de milliers de vies perdues en tentant de s'échapper des entrailles de l'enfer qu'était le régime de Pol Pot dans les années 1970 et 1980, et par ce trajet, elle tente de retrouver la sienne.
 
Partant d'une impulsion cathartique, elle invite sa mère – un personnage plus cinématographique qu'on ne pourrait en inventer dans la fiction, remplie de sagesse et d'un grand sens de l'humour – à la rejoindre en voyage où elle le veut (au sud sur le bord de la mer, où elles se sont retrouvées lors de leur première arrivée en France), et non où elle ne le veut pas (au Cambodge, en Thaïlande). Si le public, en regardant ce film, se demande comment on peut aider quoi que ce soit à grandir dans une période remplie de morts et de destruction, c’est un vrai sentiment d'espoir qui naît de ce témoignage. La réalisatrice elle-même ne serait pas en vie sans que Pol Pot ait forcé le mariage de ses parents, elle nous le raconte dans l'entretien inclus ci-dessous. L’élément intergénérationel est tressé dans l'histoire et les images du film, tout autant que dans les cheveux longs de la réalisatrice qu’on voit presque toujours de dos, cherchant son passé. Pourtant, l’histoire trouve sa fin et se conclut avec une troisième génération, sa jeune fille Romy, face caméra, fermement ancrée dans le présent, le passé clairement incrusté dans ses propres os, regardant droit vers l'avenir.

 

Aurora Prelević
Écrivaine, traductrice, cinéphile

 

 


En complément, une discussion avec la cinéaste Neary Adeline Hay animée par Aurora Prelević lors d'une récente projection au Cinéma Public.

 

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