Résumé
Au cœur des roches précambriennes du Nord canadien se trouve l’une des plus grandes réserves d’uranium de la planète. Une puissance qui a produit la plus grande énergie destructrice connue de l’homme, tout en se manifestant dans la majesté sauvage de cette région. Un carnet de voyage gothique qui invite au dialogue avec les fantômes du territoire : des villes minières abandonnées, englouties dans le chaos du commerce extractif et de la négligence, tandis que les forces liminales et inconnues qui habitent ces terres s’expriment à travers des souvenirs en ombres.
L'avis de Tënk
Portrait mouvant de la petite communauté d’Uranium City, en Saskatchewan; assemblage d’images 16 mm et numériques, peuplées de mines fantômes et d’archives assoupies au fond du lac Athabasca; _Before the Deluge _relâche sa caméra au cœur d’un paysage impénétrable et révèle les empreintes laissées par l’exploitation d’un territoire en tant que pure marchandise. Des empreintes qui s’incrustent dans le corps et la mémoire de ceux qui restent. Des empreintes qui se figent sur l’image, alors qu’elles se transforment en un kaléidoscope militant.
Jean-Jacques Martinod mêle, sans hiérarchie, explorations formelles et procédés documentaires dans un film qui emprunte aussi bien aux codes du cinéma expérimental qu’à ceux du travelogue. Uranium City y apparaît comme une énième victime de la violente tradition canadienne d’extraction des ressources naturelles aux dépens des Premiers peuples. Une carte postale du colonialisme passé et présent. Une communauté hantée par un métal radioactif. Une économie locale saccagée par une philosophie mercantile. Une ville isolée et oubliée. On y nage, on y plonge, et insidieusement, alors que le temps se dilate, on semble s’y noyer.
Un portrait politique et poétique qui s’ancre dans le réel avant de couler dans les profondeurs du rêve.
Samuel Terry Pitre
Cinéaste et membre de VISIONS