Ne vous laissez pas abuser par la facture désuète du style et la texture vidéo vieillie de cette extraordinaire curiosité. Vous qui choisirez de visionner cette bande, intrépide spectateur.trice, ne vous laissez surtout pas décourager non plus par la mise en situation semi-fictive, d’une maladresse et d’une naïveté des plus candides, qui ouvre brièvement ce surprenant documentaire. Car les images qui suivront et le récit à la première personne que ce vidéaste (qu’on imagine en herbe) vous cloueront sur votre siège par leur force aussi époustouflante qu’inattendue. Les images, les témoignages et les rencontres que Constantin Ivanovici a recueillis au cours de son voyage au pays de sa jeunesse, alors que l’État vient d’être libéré du joug de Ceaucescu, sont d’une puissance renversante, tout comme les objets qu’il en a rapportés en guise de souvenirs. On ne s’attend pas le moins du monde à cette vérité la plus crue. Et, tout à coup, les dizaines de petites histoires incroyables et terribles qu’on nous raconte, avec une simplicité et une disponibilité des plus désarmantes, nous happent à un point tel par leur poignante authenticité qu’on émerge littéralement soufflés de cet étonnant périple. Vous ne regretterez pas ce détour par la Roumanie du début des années 1990, dont on pourrait d’ailleurs — dont on devrait, en fait — tirer tant de leçons aujourd’hui encore.

Claire Valade
Critique et programmatrice