Résumé
Portrait de Raymond Eddé, en lice pour les élections présidentielles libanaises, et grand opposant à la guerre confessionnelle. Durant les conflits de 1975-1976, il a recherché activement, avec son équipe, les disparus de guerre, qu’ils soient chrétiens, druzes ou musulmans.
L'avis de Tënk
Pour quelques vies (1976) de Jocelyne Saab est un huis clos tendu, politique et intime. Jocelyne Saab suit Raymond Eddé, candidat à la présidence libanaise qui fait figure d’intégrité. Au cœur du chaos de 1975-1976, il cherche les disparus, quels qu’ils soient : chrétiens, musulmans, druzes. Saab tente de filmer un « juste », ou ce qui en reste, dans un pays sans repères. C’est une quête désespérée mais lucide, une tentative de rédemption face à une morale collective totalement effondrée. Ce n’est pas un film d’action, mais un film de gestes, d’attente, de visages et de morts rendus à leur dignité. Ce qui importe ici, c’est la trace, la mémoire, la tentative de sauver quelques vies, ou au moins leurs noms. Saab capte la guerre sans jamais la montrer frontalement, elle la fait résonner dans le silence des corps absents.
Ce qui me frappe d’abord, c’est la voix off qui me transporte immédiatement dans mon enfance. Il y a dans ces voix de documentaires de guerre une intonation très spécifique, typique du journalisme francophone de l’époque : une manière de prononcer, de raconter, qui active plusieurs couches de mémoire et en réveille l’écho intime en chacun. Cette voix off incarne tous les récits de l'effondrement.
Chantal Partamian
Cinéaste et archiviste