Résumé
Les dépossédés témoigne de la crise alimentaire mondiale, envisagée du point de vue de la paysannerie ; il invite le public à découvrir le destin paysan de divers pays et ses relations systémiques à la crise économique, à l’exode rural et à la diminution des ressources naturelles.
L'avis de Tënk
Il a certes sillonné les continents pour rendre compte de l’humble quotidien de la paysannerie, mais la chose que Mathieu Roy arrive le mieux à filmer, dans Les dépossédés, est encore le temps. On y éprouve l’épaisseur des secondes, des heures et des semaines que connaissent les protagonistes anonymes à qui on doit notre alimentation. Des suites de leur récurrence, les saisons des semences comme celles des récoltes marquent un cycle soudainement pas si universel qu’on peut le croire. À l’ère de l’anthropocène, c’est le grand ordonnancement universel qui est menacé par la chimie, par les plans d’affaires, par le contrôle à grande échelle de la production agricole, par le devenir monétaire du rapport à la terre, par l’endettement des fermiers prisonniers de la monoculture. Et par l’ignorance progressive des artisans du monde agricole. Le moment clé du documentaire : ce paysan occidental qui, tout diplômé en agronomie soit-il, avoue avoir compris ce qu’il en est de sa terre comme telle des décennies seulement après avoir œuvré auprès d’elle professionnellement. Après l’avoir saccagée surtout. C’est qu’on lui a appris seulement la corrélation entre les intrants chimiques qu’il lui administrait et la production qui s’en trouvait générée. On l’aperçoit bouleversé d’en être à découvrir la réalité de millions d’espèces vivantes de tailles microscopiques dans cette terre qu’il doit tuer au prétexte de la faire fructifier au gré de ses créanciers.
Alain Deneault
Philosophe