Résumé
Virginia Woolf écrit Orlando en 1928, premier roman dans lequel le héros devenu héroïne traverse cinq siècles (1588-1928) et change de sexe au milieu de l’histoire. Un siècle plus tard, le chercheur, commissaire d’exposition, auteur et militant transgenre Paul B. Preciado décide d’envoyer une lettre filmée à Virginia Woolf : son Orlando est sorti de sa fiction et vit une vie qu’elle n’aurait jamais pu imaginer. Preciado organise un casting et réunit 26 personnes trans et non-binaires contemporaines, âgées de 8 à 70 ans, qui incarnent Orlando…
L'avis de Tënk
Orlando, ma biographie politique de Paul B. Preciado est une réinterprétation lumineuse du roman de Virginia Woolf de 1928, actualisée par les voix, les auras et les corps de 26 personnes trans et non-binaires âgées de 8 à 70 ans. Preciado, qui a longtemps revendiqué le texte de Woolf comme sa propre biographie, renverse ici le geste en invitant d’autres à incarner Orlando, se présentant comme le ou la protagoniste de Woolf tout en racontant des détails intimes sur leur enfance, leurs noms, leurs désirs et les moments d’injustice vécus.
Filmé avec l'éclat luxuriant d’un clip pop, mais ancré dans la sincérité documentaire, le film oscille entre mises en scène ludiques, entretiens, témoignages choraux et lectures du livre de Woolf. Les costumes scintillent d’une imagination médiévale moderne. On visite des halls d’hôtel ou des cabinets de psychiatres tandis que des séquences oniriques montrant Orlando endormi suggèrent la transition comme un acte tendre et magique. Preciado complexifie la transformation aristocratique imaginée par Woolf en soulignant que l’identité trans ne se limite pas à la fiction, mais s’exprime avec éclat à travers la politique, la poésie et la survie. Le résultat est à la fois décontracté et subtilement précis. J'y vois un portrait collectif triomphant qui réinvente l’histoire littéraire et rayonne de l’énergie joyeuse de vies vécues avec audace.
Sofia Bohdanowicz
Cinéaste