Résumé
« Quelques cabanes construites à flanc de colline en marge de la société et sans les hommes. Un lieu refuge, de transformation collective et féministe. Depuis cette lisière, aux côtés de celles qui la construisent, j’interroge ma place dans la nature et la société, dans mon couple, la liberté de mon corps et d’avoir un enfant. » (Éva Tourrent)
L'avis de Tënk
Qui n’a pas eu le souhait secret, la pensée rassurante gardée précieusement en soi, de tout quitter pour se réfugier quelque part en nature. Recommencer à zéro. Effacer les traces de la civilisation mortifère pour imaginer quelque chose d’autre. Cette impression que si on s’éloigne assez, les besoins futiles disparaîtront, les angoisses aussi qui les accompagnent. Que notre nature contemplative, bienheureuse, travaillante, solidaire du vivant qui l’entoure, ressurgira miraculeusement, et que nous serons sauvé·e·s. Même la mort ne sera plus menaçante. Une unification avec le paysage. Tout sera alors bon et beau, et les enfants que nous élèverons pataugeront dans la rivière, reconnaîtront les oiseaux à leurs chants et inventeront des musiques enchanteresses…
Évidemment, tout cela n’est qu’une pensée rassurante gardée précieusement en soi, quand tout bascule, parce qu’on sait bien que rien n’est si simple, que les conflits, tensions et souffrances sont inhérents à l’expérience humaine. Mais n’empêche que des utopies trouvent parfois leur chemin jusqu’à la lumière, poussant tout autant à l’ombre du bitume ou dans la forêt lointaine. Avec Lisière, la réalisatrice - et directrice artistique de Tënk France - Éva Tourrent, signe un film lumineux et fragile, dans lequel elle nous partage avec générosité ses incursions dans un espace exclusivement féminin situé à flanc de colline où des femmes construisent et retapent des cabanes en bois et y partagent du temps, des connaissances, y encouragent des libérations, y testent des langages. En parallèle de ses visites qui nourrissent ses réflexions sur son corps, ses choix, ses aspirations, la réalisatrice questionne son désir de maternité.
Lisière est un film fait de questionnements, de doutes et de vacillements, et malgré tout, il donne envie de croire aux contes de fées. Un type de conte bien particulier, où les fées s’appartiennent et célèbrent sans trembler, et où la morale à la fin nous dit de brûler le capitalisme et le patriarcat.
Naomie Décarie-Daigneault
Directrice artistique de Tënk
