Dans les jardins de Sageterre, au Bic, la beauté des lieux ne réside pas seulement dans les lupins sauvages et les pavots qui y poussent, les chevaux qui y galopent et les paysages qui s’y épanouissent. Elle se trouve dans cet effort collectif pour faire émerger le « commun », jusqu’à soustraire ce morceau de terre aux logiques du marché en le transformant en Fiducie d’utilité sociale agroécologique (FUSA). Les images témoignent donc de cette démarche, en dialogue avec la parole de Jean Bédard, écrivain et initiateur du projet. En devenant lui-même paysan, il incarne sa propre critique de la modernité. 

Car la modernité a en effet favorisé une rupture avec la nature vivante et nourricière, instaurant une relation instrumentale à l’agriculture. Le chemin choisi ici est celui d’une reconquête collective de cette autonomie perdue. J’aurais souhaité entendre encore davantage les voix du collectif, car si Jean Bédard a initié cette dynamique, c’est par la présence et l’engagement du groupe qu’elle peut réellement s’exprimer. Nous l’entrevoyons notamment lorsque Gabriel Leblanc, maraîcher du Bic, décrit cette démarche comme une forme de révolution. 

En somme, ce film incarne une forme d’espoir. On entend de plus en plus parler qu’au Québec, d’autres initiatives émergent, faisant naître des modèles de vie collective et de partage des risques et des ressources en agriculture écologique. L’acte de la beauté tient aussi dans le fait que cette histoire n’est justement pas isolée. 

Sylvie Lapointe
Cinéaste