Résumé
« M. le Directeur… », ainsi commencent les courriers adressés au Directeur de la radio publique belge entre 1958 et 1968. Tous les prétextes sont bons pour prendre la plume : un auditeur se plaint de la diffusion d’une chanson aux paroles jugées trop osées, une jeune fille se demande comment devenir présentatrice, les ouvriers d’une usine souhaiteraient entendre plus d’opérettes à l’heure de leur pause déjeuner… Au cours de cette décennie, pour des raisons tout autant politiques, sociétales que techniques, la radio se métamorphose. Elle se fait de moins en moins le véhicule de la parole officielle, pour se tourner vers une programmation divertissante adaptée aux mœurs d’une nouvelle génération; et devenir peu à peu le lieu de l’émancipation d’une parole récoltée dorénavant sur le terrain. À travers une sélection de lettres entrelacée à des archives de la radio d’alors, ce documentaire explore les façons de faire et d’écouter la radio, et nous interroge sur la place qu’elle occupe aujourd’hui dans nos vies.
L'avis de Tënk
En 1958, les téléviseurs se font de plus en plus présents dans les foyers. Pour la radio, c’est la fin d’une époque : celle de son âge d’or. Mais comme le mentionne le directeur de la radio publique d’alors : « S’il reste 1 million de Belges sur les 9 millions et demi à écouter la radio, n’est-ce pas là un public de 1 500 théâtres qui joueraient simultanément, en Belgique, à bureau fermé avec chacun 700 personnes en salle? »
1958, c’est aussi le point de départ de Monsieur le Directeur. À travers les lettres des auditeur·trice·s – véritable courrier du cœur de la radio publique! – des archives et une conception sonore soignée, ce documentaire mêle le quotidien (dans quel pavillon de l’Exposition universelle trouver ces hot-dogs dont quelqu’un a parlé la semaine dernière?) à l’histoire (l’indépendance du Congo face à son colonisateur belge, l’arrivée des femmes dans le métier de journaliste qui ne plaît pas à tout le monde) ouvrant une fenêtre privilégiée vers un passé révolu. Ce faisant, Corinne Dubien tisse une touchante déclaration d’amour à la radio et fait rêver d’une période où les gens avaient le temps d’écrire des lettres (courtoises!) et les employé·e·s du service public, d’y répondre.
Jenny Cartwright
Documentariste et artiste audio