Résumé
Des sommets du Haut Atlas à la cavité d’une bouche, le documentaire de création Je parle toutes les langues, mais en arabe opère un trajet le long d’un sillon vocal qui mène du chant à la langue. Dans les reliefs de ce sillon s’inscrivent en creux la mémoire des mots, les traces de la violence coloniale, un chant de remède, l’histoire des lettres et du cosmos. Aux entretiens menés auprès de « pratiquants » de la parole se répondent paysages sonores et musiques.
L'avis de Tënk
Dans Je parle toutes les langues, mais en arabe, le cœur, la tête et les oreilles y trouvent leur compte.
Ce récit inclassable de la réalisatrice et musicienne Myriam Pruvot s’intéresse aux enjeux très délicats de l’identité, du sacré et de comment les langues que nous parlons forgent notre rapport au monde, tout particulièrement dans un contexte teinté par des rapports de domination.
Alors qu’elle était au Maroc – s’interrogeant elle-même sur sa légitimité à tenir un micro dans un environnement culturel dont elle se disait ignorante –, elle a recueilli ce contrepoint sonore où plusieurs personnages (et paysages!) éclairent différentes facettes d’une insondable question, sans jamais que celle-ci ne soit posée de front.
Justement, ce regard en biais, ce tâtonnement – qui s’exprime sur le fond et la forme – offre de précieuses perspectives, tout autant sur ce qui se cache dans le langage que sur le pouvoir de l’expression artistique pour s’élargir et se réparer.
Comme quoi le simple fait de tendre un micro avec une réelle ouverture peut contribuer à faire surgir, malgré tous nos questionnements, des matières précieuses qui ont le pouvoir de nous aider à mieux nous entendre.
Louis-Olivier Desmarais
Créateur sonore, compositeur et musicien