Résumé
Présenté avec humour par ses concepteurs comme le « premier film d’horreur entièrement réalisé sur ordinateur », Jekyllum est une œuvre pionnière de l’animation par ordinateur au Canada. Fruit de la collaboration entre les anciens Centre de calcul (1965-1988) et Centre audio-visuel (1968-1997) de l’Université de Montréal, Jekyllum était d’abord et avant tout destiné à montrer les possibilités graphiques du module CDC1700 complémentaire à l’ordinateur CDC6400 acquis par l’université en 1969.
L'avis de Tënk
Mélange savant d’humour, d’esthétique expérimentale et d’innovations technologiques, Jekyllum met en scène une créature aux allures du logo de l’université qui, après avoir absorbé une mystérieuse potion, se transforme en une araignée monstrueuse qui tisse sa toile et capture sa proie…
Décrit à l’époque comme un « ordinodrame » en « calculo-color » avec une bande sonore en « ordinophonie », Jekyllum manie des codes volontairement excentriques. Nés de l’humour des mathématiciens et des informaticiens du Centre de calcul de l’UdeM, ces néologismes traduisent néanmoins les réelles avancées techniques du temps. Le film est en effet animé grâce au système de « cybernovision », développé par le réalisateur du film, Claude Schnéegans, qui a également conçu le langage de programmation général FILEMON (pour film et montage) pour permettre la création d’animations sur ordinateur. La trame sonore, composée par Robert Dupuy, membre du groupe Informatique-Musique, enrichit le film d’une ambiance sonore psychotronique en parfaite cohérence avec son esthétique visuelle.
Mais derrière son apparente légèreté, Jekyllum propose une allégorie plus sombre. La créature inspirée du logo de l’Université de Montréal pourrait en effet très bien représenter la communauté scientifique elle-même et la potion, le pouvoir destructeur et les risques que la science confère aux savoirs humains. Dans cette optique, Jekyllum devient une fable sur la manière dont les outils informatiques, en décuplant notre intelligence, peuvent aussi révéler une face inquiétante du progrès.
Nino Gabrielli
Chercheur collaborateur
Centre de recherche interuniversitaire sur la
littérature et la culture au Québec (CRILCQ)