Résumé
Paradiso, XXXI, 108 interroge, avec ironie, notre regard sur la guerre et l’occupation à travers des images d’archives de l’armée israélienne des années 1960 et 1970. Le cinéaste palestinien Kamal Aljafari compose ici un montage dévoilant des scènes où les gestes de guerre apparaissent à la fois comiques, banals et surréalistes, invitant à une profonde réflexion sur la représentation de la violence et du pouvoir.
L'avis de Tënk
Dans ce court métrage expérimental fulgurant, le cinéaste palestinien Kamal Aljafari, véritable archéologue des images, exhume les archives triomphalistes de la propagande militaire israélienne vieilles de plus de cinquante ans pour en composer une parabole grinçante.
Sous nos yeux, chars d’assaut et canons filmés en fish-eye se déploient, calculs stratégiques et dispositifs technologiques sophistiqués s’enchaînent, le tout chorégraphié au rythme à la fois envoûtant et burlesque de la Danse macabre de Camille Saint-Saëns. Cette mise en scène performative confère à ces exercices militaires l’allure d’un sketch satirique digne des Monty Python, donnant l’impression d’observer de grands enfants un peu ridicules jouer à la guerre dans leur grande cour arrière, fantasmant ensemble un ennemi imaginaire.
Car ces « olympiades viriles » se déroulent en réalité sans jamais montrer l’opposant : tout est ici centré sur la démonstration ostentatoire de la puissance de l’attaquant, comme si l’unique but de ce déploiement armé était la célébration de la force destructrice habitant ces hommes. En occultant les éventuelles victimes de ces opérations militaires, ces archives révèlent l’essence même du dispositif guerrier : la déshumanisation. Voilà là la véritable arme de destruction massive.
Par ce geste à la fois esthétique et politique, Kamal Aljafari détourne ces images d’archives pour en faire un puissant traité anti-guerre, nous plongeant dans le vertige d’un monde qui ne joue au final qu’à sa propre disparition.
Jason Burnham
Responsable éditorial de Tënk