J’envisage la programmation comme une façon de développer un rapport éditorial aux imaginaires et réalités que la cinéphilie interpelle : comment faire corpus de ce qui nous lie au monde, comment assembler l’apparent dissemblable, approfondir là où « ça pense », encercler et préciser ce qui active le mouvement et développer des trajectoires qui exposées sauraient, par la petite cohérence peu à peu nouée d’un film à l’autre, articuler peut-être moins une sensibilité personnelle que des états de monde qui se regardent et se renforcent? Me retiennent les multiples façons dont le faire d’un film dialogue somatiquement avec ses motifs et sujets, et je lorgne souvent vers des pratiques plus artisanales. Les techniques du corps pour reprendre la notion de Marcel Mauss sont souvent, et parfois sans même que je ne m’en rende compte, au cœur de ce qui me point. Courir, dormir, aller, voir, dire, écouter, sentir, respirer contiennent d’infinis processus et lorsque la forme filmique prend en son sein ou assume plus singulièrement cette potentialité de révélation inchoative et intercalaire, il me semble toucher à une résistance cruciale contre tout ce qui tente de nous machiner, contre toute forme de politiques plaquées.


Formée à l’histoire de l’art, Maude Trottier divise son temps entre l’écriture et l’édition autour de formes expérimentales, historiques et poétiques de l'image. Elle est rédactrice en chef de la revue Hors champ et chargée de projet et d'édition à la Société d'histoire et Centre d'archives de Laval. Elle dirige la collection Cul-de-lampe chez Moult Éditions et a publié Sous le figuier, un poème narratif imagé par la peintre Cécile Ronc (Moult Éditions, 2023).