Depuis Le chat dans le sac, Gilles Groulx avait pris l’habitude de constamment nourrir d'actualité l'action de ses personnages fictionnels (à travers les journaux, revues, radios et télés). Mais, quand Radio-Canada lui refusa l'accès à des archives (pourtant publiques) lors du montage d'Entre tu et vous, il sentit le besoin d'enregistrer lui-même l'activité sociale et politique du Québec et ce, d’une façon radicalement différente de celle adoptée par les médias de masse.

En donnant la parole à des ouvriers, des ménagères, des agriculteurs, des hippies, des felquistes, des poètes, des syndicalistes, des autochtones, des militants Black Panther, etc., Groulx ne s'arrêta pas à présenter les choses. Il tira des conclusions. Il prit position. Chose inimaginable au sein d’une noble institution fédérale qui prétendait montrer la vérité – objectivement – aux contribuables qui la finançaient…

Ainsi, à travers un impressionnant montage-collage kaléidoscopique et quelques textes coups de poing (les deux derniers plans du film sont en quelque sorte une allégorie de cette approche), Groulx relit et relie les différents événements qu’il a enregistrés « au jour le jour ». Puis il conclut son film en affirmant sans ambages : « Dans cette société-là, nous croyons qu'il faut remettre en question le système établi. »

La riposte du commissaire de l’ONF fut tout aussi directe : « Il serait inexcusable que l'ONF distribue un film qui préconise le rejet complet du système politique et économique en cours au Canada.» De fait, le film fut interdit pendant 6 ans et perdit beaucoup de son impact lors de sa sortie.

Pourtant, aujourd’hui encore, il résonne de sa révolte…

Richard Brouillette
Cinéaste, producteur, éleveur de poules et comptable