Alors que la société actuelle semble s’enfoncer de plus en plus dans la cupidité des multinationales et le chaos capitaliste, des voix s’élèvent sans cesse en faveur d’approches ancestrales plus harmonieuses, non pas par nostalgie mal placée, mais par respect pour le monde qui nous entoure et pour ce que nous finirons par consommer. Ainsi, chaque année, pendant quatre mois, Pascal et son apprentie prennent le chemin des pâturages alpins, à pied, avec 800 moutons, quatre chiens et trois ânes. Le cinéaste suisse Manuel Von Stürler a filmé au plus près cet incroyable périple millénaire — la transhumance. Le contraste entre l’ancien et le moderne est immédiatement apparent tandis que les bergers quittent la ville en menant leur troupeau à travers un labyrinthe de dangereux carrefours d’autoroutes. Comment une telle pratique parvient-elle encore à exister au milieu du bruit et de la fureur du monde contemporain? Aucun commentaire encombrant dans ce film remarquable, tout en douceur feutrée, sur l’extraordinaire persistance de certaines traditions et sur le calme de la nature. Les superbes images parlent d’elles-mêmes en une symphonie de tons naturels monochromatiques. Évoquant à la fois la lumière du chiaroscuro et l’humour naïf de Brueghel, Hiver nomade donne vie à un tableau pastoral digne des plus grands maîtres.

Claire Valade
Critique et programmatrice