Le spectre qui va de la normalité à l’anormalité est-il en fait un ruban de Moebius, tourné sur lui-même, dont les faces se confondent jusqu’à s’intervertir? 

Dans ce film à deux voix, les questionnements de la mère et de la fille s’enchevêtrent et se superposent, explorant la question insoluble de la « santé » mentale et des origines des dysfonctionnements psychiques. Comment baliser cet état si relatif? À quel moment un être bascule-t-il du côté interdit, celui qui appelle l’intervention et parfois, l’enfermement? Est-ce que l’on sent quand ça nous échappe, quand il vaut mieux s’en remettre à des mains extérieures, aux potions de la pharmacopée, aux calmants qui permettront que ça n’aille pas trop loin? Et surtout, arrive-t-on jamais à guérir?

L’impossibilité de quadriller froidement ce qui correspond à l’état souhaité empêche toute formule magique pour les traitements psychiatriques. Une chose est pourtant sûre et transcende les particularités historiques ou culturelles; il arrive que la souffrance soit intolérable. C’est à rendre moins vive cette souffrance que doit servir la psychiatrie. Force est de constater qu’elle est encore loin du compte pour plusieurs problématiques. Faudrait-il regarder ailleurs? Dans ce qu’expriment en creux les symptômes des patient·e·s?

Par ce processus filmique, une mère-cinéaste tente à tout le moins de trouver un peu de sens. Elle collectionne les indices et démêle l’écheveau de la souffrance. Et le récit se complexifie quand deux paires de regards se toisent. Ishaa revendique sa place et son expérience. Désormais, il faudra « laisser Ishaa aider Ishaa. »
 

Naomie Décarie-Daigneault
Directrice artistique de Tënk