Résumé
Une plage isolée, le partenaire idéal, l’hôtel le plus prestigieux : c’est la vie de vos rêves. Participez à un voyage étrange dans un lieu luxueux où règnent le désir inassouvi et la nostalgie sans fin. Découvrez un aperçu unique à travers les façades polies d’un monde façonné par l’abondance et l’imagerie déformante des médias sociaux. Pris dans leurs propres fantasmes, les personnages principaux errent dans ce paradis tropical à la recherche de l’hôtel parfait. À la manière d’un jeu linéaire, ils semblent être mus par une force extérieure, ne laissant aucun espace pour un changement de cap ou une nouvelle perspective. Les conversations et les comportements sont superficiels, comme s’ils faisaient partie d’un modèle. Les façades parfaites sont brisées par une esthétique psychédélique et lourde de défaillances, permettant de jeter un coup d’œil sur ce qui se trouve au-delà.
L'avis de Tënk
The Sunset Special, premier du nom (un deuxième opus est paru en 2024), est un film expérimental maximaliste franchement singulier. Non, l’IA n’a rien à voir avec ce grandiloquent feu de joie, mais personne ne vous tiendra rigueur d’y avoir pensé. L’illusion est sidérante.
Arborant fièrement une esthétique numérique des plus déstabilisantes et centrée autour du désenchantement virtuel à l’heure du capitalisme tardif, l’œuvre s’expose telle une sorte d’interprétation cauchemardesque d’un fantasme qui n’a peut-être jamais existé. Un duo se retrouve sur une île, elle-même jalonnée de gratte-ciels immondes, sous un ciel pastel aux mille pixels, pratiquement seuls sur Terre. Une femme a perdu sa fille et un homme se plaint du piètre état du transport en commun. Les vacances parfaites, quoi.
Certains riront nerveusement et d’autres sourcilleront sans doute à la vue de ces personnages 3D sans vie ni personnalité, mais ne laissez pas l’accumulation de glitch et de psychédélisme vous déjouer quant à la (présumée) vacuité du propos. La démarche de l’artiste, Nicolas Gebbe, est totale et approfondie. À ce film s’ajoutent une suite, une installation, un site web et un environnement virtuel interactif; le tout invoquant une multitude de réflexions sur les paradoxes que camouflent nos névroses modernes. D’où vient notre obsession collective à vouloir projeter nos idéaux dans un environnement numérique foncièrement incapable de les incarner? Le rêve de la Toile et du WWW s’est transformé en une véritable dystopie zombifiant quiconque le navigue trop longtemps. Ce monde virtuel n’est plus le nôtre. Ne l’a-t’il jamais été?
Jason Todd
Programmateur et cinéaste